American Journal of Innovative Research and Applied Sciences. ISSN 2429-5396 I www.american-jiras.com
ORIGINAL ARTICLE
| Oumaïma Ghanimi 1 | Imane Sebari 2* | Abderrahman Attiallah 3 | and | Nadia Berday 1 |
1. Département d’Halieutique et d’Aquaculture | Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II | Rabat | Maroc |
2 Département de Cartographie et Photogrammétrie | Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II | Rabat | Maroc |
3 Centre Royal de Télédétection Spatiale | Rabat | Maroc |
| Received 01 September 2019 | | Accepted 05 October 2019 | | Published 11 November 2019 | | ID Article | Ghanimi-Ref.11-ajira8-011019|
RESUME
Contexte : La détermination de l’aptitude aquacole d’une zone pour la pisciculture et la conchyliculture revêt une grande importance, car chaque espèce possède ses propres niveaux de tolérance et chaque type de structure d’élevage a été conçu pour supporter une certaine gamme de conditions environnementales. Objectifs : La présente étude vise le développement d’un outil d'aide à la décision relative à la sélection de nouveaux sites aquacoles au Maroc basé sur l’utilisation simultanée de la télédétection et des systèmes d’information géographique (SIG). Les élevages concernés sont celui du loup, de la daurade et du maigre en cage, et de l’élevage de la moule, l’huître, l’ormeau, la palourde et la coquille Saint-Jacques en filières. Méthodes : Nous avons établi un modèle qui intègre cinq paramètres à savoir la température de la surface de la mer, la profondeur de la couche d’eau, la concentration en chlorophylle a, la turbidité des eaux et la hauteur significative des vagues. Comme ces paramètres ne revêtent pas la même importance quant à la détermination du potentiel aquacole des zones, différents poids leur ont été attribués moyennant la méthode Analytic Hierarchy Process de Saaty. Résultats : L’étude a été mené en deux niveaux : d’abord un premier zonage a été réalisé sur l’ensemble de la côte marocaine en utilisant des images de moyennes résolutions spatiales (de 2002 jusqu’à 2018) et qui a montré que le Sud du Maroc offre le plus de zones pouvant être aptes pour accueillir des élevages aquacoles, notamment de la palourde, la moule et l’huître. Puis une cartographie des potentialités aquacoles de la région d’Agadir a été établie en se basant sur des images de hautes résolutions spatiales (de 2013 jusqu’à 2018), et qui a montré que la région offre une surface de 58.700 ha très apte à l’élevage du loup, répartie tout au long de la zone, ainsi qu’une surface de 704 ha au Sud de la zone, apte à l’élevage conchylicole. Conclusion : Une analyse de sensibilité à la résolution a été réalisée et a prouvé que le fait d’utiliser une résolution spatiale plus grande donne des résultats meilleurs. Le modèle est ouvert à d’éventuelles mises à jour intégrant d futures données complémentaires.
Mots-clés : Aquaculture, sites potentiels, images satellitaires, SIG, poids.
ABSTRACT
Background : The assessment of the suitability of a site for marine aquaculture is important, because each specie has its own tolerance levels and each type of farming structure has been designed to support a range of environmental conditions. Objective: The present work is a contribution to the simultaneous use of remote sensing and geographic information systems (GIS) for the development of a model that integrates environmental parameters, providing a decision support tool for the selection of new sites for aquaculture. Method: Five parameters are used: sea surface temperature, water depth, concentration of chlorophyll-a, water turbidity and significant wave height. Since these parameters do not have the same importance in determining the aquaculture potential of a zone, different weights have been assigned to them using Analytic Hierarchy Process developed by Saaty. Results: We carried out the work in two levels: first, a zoning was realized all over the Moroccan coast using medium spatial resolution images (from 2002 until 2018), and which have shown that the south of Morocco has the most suitable areas for the farming of the oyster, the mussel and the clam. Then, a mapping of the aquaculture potential of the Agadir region was realized, using high resolution images (from 2013 until 2018), and showed that this region offers 58.700 ha of a potential zone for the seabass farming all along the coast, as well as an area of 704 ha suitable for the shellfish farming in the south of this region. Conclusion: A resolution sensitivity analysis was performed and which proved that using a high resolution gives better results. The model can be updated by integrating future complementary databases
Keywords: Marine aquaculture, suitable sites, remote-sensing, GIS, weights.
1. INTRODUCTION
Au Maroc, la forte utilisation du domaine public maritime par différents types d’activité réduit la disponibilité des sites pouvant être dédiés à l’aquaculture, tant au niveau national que mondial. En même temps, la demande en produits issus de l’aquaculture est en hausse, afin de pallier au manque de certaines espèces non débarquées par la pêche ou produites en quantité insuffisante. Au Maroc comme ailleurs dans le monde, l’aquaculture est amenée à jouer un rôle important en faveur de la sécurité alimentaire et à répondre à une demande toujours croissante par rapport aux produits aquatiques dans un contexte mondial de baisse des produits de la pêche maritime [1]. Cependant, des efforts supplémentaires sont nécessaires afin de garantir le développement durable de l’aquaculture. Ce développement requiert des considérations aussi bien environnementales que socio-économiques, qu’il est nécessaire de prendre en compte. Dans ce but, la sélection et la gestion des sites sont des processus importants qu’il convient de mettre en œuvre de manière durable [2].
Toute une série d'activités humaines (urbanisme démesuré, expansion de l'industrie, etc.) converge en obligeant les administrations compétentes en matière d'aquaculture à chercher les zones les plus adéquates au développement de cette activité, à travers l’élaboration des plans d'aménagement des zones [«3]. L’objectif de la sélection des sites est l’obtention d’informations complètes et pertinentes pour permettre un développement adapté et ordonné de l’aquaculture. Ces informations permettront aux sociétés et entrepreneurs d’identifier les meilleurs sites pour la mise en place de leurs installations aquacoles, et aux administrations de planifier les activités et d’établir des zones d’intérêt. Les dimensions sociale, économique et environnementale, doivent être présentes dans l’identification d’un espace dédié au développement de l’activité aquacole [4]. Si le large offre la stabilité des caractéristiques physico-chimiques de l’eau, les zones protégées offrent l’avantage d’une meilleure protection contre les intempéries. Il est donc nécessaire d’évaluer les besoins selon la structure d’élevage et l’espèce et de définir les avantages et inconvénients des différents sites afin de choisir celui qui convient le mieux [5].
L’analyse et l’évaluation des facteurs et besoins peuvent s’avérer complexes et longues à réaliser, surtout si les facteurs ne possèdent pas le même poids dans la détermination des zones favorables à l’aquaculture. Dans ce cadre, les systèmes d’information géographique (SIG) permettent l’intégration de plusieurs paramètres simultanément pour le développement de modèles spatiaux qui aident à la sélection des sites adéquats [6,7]. Les SIG offrent une base pour ces modèles, qui permet la prise en compte d’un grand nombre de données environnementales, socio-économiques, d’infrastructure et d’accessibilité des sites, dans un support unique de décision [8, 9, 10, 11]. A travers une combinaison logique des données primaires et sous-modèles, les SIG permettent l’utilisation d’outils d’analyse sophistiqués pour la sélection des sites aquacoles et leur planification et gestion dans le cadre d’une approche de gestion intégrée de la zone côtière afin de veiller au développement durable de l’aquaculture [12].
L’objectif principal de cette étude est l’utilisation simultanée de la télédétection et des systèmes d’information géographique (SIG) pour le développement d’un outil d'aide à la décision relative à la sélection de nouveaux sites aquacoles, basé sur un modèle qui intègre des paramètres environnementaux, et ouvert à d’éventuelles mises à jour intégrant de futures bases de données complémentaires. Le travail réalisé s’inscrit en deux échelles : d’abord la réalisation d’une cartographie exhaustive des zones à potentiel aquacole sur tout le littoral marocain, en se basant sur des images de moyennes résolutions spatiales. Puis, à une échelle plus grande, nous procédons à la détermination des potentialités aquacoles à un niveau local, à savoir la région d’Agadir, moyennant cette fois-ci des images de hautes résolutions spatiales, issues de deux capteurs : Landsat 8 et Sentinel 2A.
2. MATERIELS ET METHODES
2.1 Zone d’étude
Le littoral marocain (figure 1), objet du premier niveau de notre étude, s’étend sur 3500 km partagés entre la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, offrant divers types de zones favorables à l’aquaculture (lagunes, baies, pleine mer ou zones basses en bordure de mer).
Figure 1 : La figure montre la carte du Maroc (à droite) et la baie d’Agadir (à gauche).
La baie d’Agadir (figure 1), représentant la zone d’étude du deuxième niveau de notre étude, appartient à l’unité géographique Souss Massa qui se situe au centre géographique du Maroc. Elle renferme trois bassins versants : le bassin versant de l’Oued Souss, le bassin versant de Massa et de Chtouka et le bassin versant des Oueds Tamraght et Tamri. La baie d’Agadir est protégée au nord par le Cap Ghir et est largement ouverte vers le sud-ouest. Elle constitue une zone de transition entre une côte rocheuse au nord et une longue côte sableuse, rectiligne et basse au sud. Elle représente la limite ouest de la ville d’Agadir et s’étire sur environ 6 km à vol d’oiseau, suivant une direction N-S entre le grand port d’Agadir et l’estuaire d’oued Souss. La particularité de l'arrière-pays de la baie d'Agadir et la multitude de fleuves et d'affluents, ont une influence sur l'environnement marin de la baie en terme de déversement des eaux terrigènes dans les eaux côtières lors des pluies diluviennes provoquant de fortes turbidités de ces eaux et pouvant engraver un élevage aquacole [13].
2.2 Espèces retenues
Les espèces sur lesquelles notre étude a portées sont celles recommandées par l’Agence Nationale pour le Développement de l’Aquaculture comme étant les espèces dont l’élevage peut le mieux réussir dans les eaux marocaines, telles que :
Le loup : Dicentrarchus labrax
La daurade : Sparus aurata
Le maigre : Argyrosomus regius
La moule : Mytilus galloprovincialis et Perna perna
L’huître creuse : Crassostrea gigas
L’ormeau : Haliotis tuberculata
La palourde : Ruditapes decussatus
Nous avons rajouté à ces espèces la Coquille Saint-Jacques, dont l’élevage pourrait être réalisé aussi bien sur les sites semi-abrités de la côte Méditerranéenne que sur la côte Atlantique [14].
2.3 Données utilisées
En ce qui concerne le zonage à l’échelle nationale, un total de 12.600 images a été utilisé, ce sont des séries temporelles s’étalant du 1er Juin 2002 au 1er Mars 2018, représentant des données réelles de la température, la concentration en chlorophylle -a et la turbidité exprimée par le coefficient d’atténuation diffuse, issues de multi-capteurs, ainsi que des images de hauteur significative des vagues issues d’un modèle hydrodynamique et une image bathymétrique. Ces images sont déjà traitées et converties en paramètres moyennant des algorithmes différant selon le capteur qui a été utilisé pour recueillir l’image (tableau 1).
Pour le zonage à l’échelle locale, 1812 images de luminance issues du satellite Landsat 8, puis converties en température et concentration en chlorophylle a, ont été utilisées, ainsi que quatre images de réflectance du Satellite Sentinel 2A, que nous avons converties en quantité de matières en suspension. Afin d’obtenir la profondeur de la couche d’eau, une image bathymétrique issue du portail Emodnet (The European Marine Observation and Data Network) a été utilisée. Dans cette deuxième partie de l’étude, nous nous sommes limités à quatre paramètres suite à la non disponibilité de données de hauteur significative des vagues avec une haute résolution spatiale et couvrant la baie d’Agadir.
Tableau 1 : Le tableau montre les données satellitaires utilisées à l’échelle nationale.
ParamètreTempératureChlorophylleTurbiditéBathymétrieHauteur significative des vaguesSalinité
FréquenceQuotidiennesHebdomadairesHebdomadaires1 image7 images / jourHebdomadaires
Résolution1 km4 km4 km800 m8 km25 km
SourceSite NASA - GHRSSTSite NASA - Site GlobcolourSite GlobcolourCarte GEBCOSite Copernicus - Site NASA - Aquarius
2.4 Méthodologie générale
La méthodologie suivie lors de notre étude comporte plusieurs étapes (figure 2). La première étape de notre étude fut d’établir une liste des paramètres les plus déterminants pour la sélection d’un site à potentiel aquacole, offrant une croissance optimale de l’espèce désirée et répondant parfaitement aux exigences de la structure d’élevage. Il existe en effet des critères liés à l’espèce et d’autres liés au type de la structure d’élevage. En tenant compte de la difficulté d’accès aux données pour certains paramètres tout au long du littoral marocain, les critères retenus furent : la température, la salinité, la turbidité (Kd), la bathymétrie et la hauteur significative des vagues (Hs).
La température de l’eau est l’un des facteurs environnementaux les plus importants pour les organismes aquatiques vu qu’ils sont poïkilothermes, donc leurs températures corporelles dépendent de celle du milieu. De plus, la température agit sur l’oxygénation des eaux, la productivité primaire, la reproduction et la croissance des espèces [15].
L’importance de la connaissance du niveau de turbidité du milieu réside dans le fait que celle-ci modifie la pénétration de la lumière dans l'eau en fonction de la nature et la quantité des sédiments en suspension dans le milieu, ce qui peut provoquer un affaiblissement de la production primaire et également entraver la respiration des êtres vivants par colmatage de leur appareil respiratoire.
En ce qui concerne la bathymétrie, il est indispensable de garder une profondeur minimale de deux à trois mètres entre la partie inférieure des structures et le fond marin afin de permettre un renouvellement de l’eau et éviter un impact négatif sur ce fond, à travers la pollution des sédiments par exemple par les rejets aquacoles. D’une autre part, même si les installations peuvent être localisées à des profondeurs supérieures à 50 m, elles ne sont pas le mieux adaptées, en raison du coût élevé de la maintenance, des risques liés à la plongée sous-marine dans de grandes profondeurs et la nécessité d’utiliser des amarrages plus longs et plus encombrants [16 , 5].
La connaissance des conditions hydrodynamiques de la zone d’étude fournit des informations à la fois sur les risques naturels auxquels l’installation sera soumise et les propriétés des courants qui peuvent disperser les déchets [17]. Dans ce cadre, la hauteur significative des vagues a été utilisée pour renseigner sur l’état hydrodynamique du littoral marocain. Ce dernier paramètre a fait défaut lors du zonage au niveau de la baie d’Agadir, en raison de l’indisponibilité de données de haute résolution spatiale couvrant cette région [18].
Figure 2 : La figure montre les principales étapes de la méthodologie adoptée.
2.5 Méthodologie détaillée
2.5.1. Constitution de la base de données : Afin de comprendre les caractéristiques environnementales d’une zone où des installations aquacoles peuvent être mises en place, il est nécessaire de prendre en compte l’échelle du temps, et ce en raison de la variabilité des écosystèmes naturels étudiés. Il est donc indispensable d’étendre l’étude environnementale sur plusieurs cycles de production, soit sur plusieurs années, afin d’obtenir une série de données relativement fiable sur laquelle des liens de cause à effet peuvent être établis. Ces séries temporelles offrent une vision des tendances d’évolution des paramètres et permettent de voir s’il existe une stabilité des valeurs et d’évaluer les variations au cours du temps lorsqu’elles existent, afin d’éviter les zones à forte variation temporelle car elles constituent un risque pour les élevages. Dans le cadre de la première partie de cette étude, à savoir le zonage réalisé à l’échelle nationale, la quasi-totalité des images (température, chlorophylle, turbidité et hauteur significative des vagues ) s’étalent de Juin 2002 jusqu’à Mars 2018, et possèdent des résolutions spatiales entre 1 et 8 km, la bathymétrie quant-à-elle, est représentée par une seule image datant de 2014 et de résolution spatiale de 850 m. En ce qui concerne le zonage au niveau de la baie d’Agadir, les images issues du capteur Landsat 8 couvrent la période allant de Mai 2013 à Avril 2018, et possèdent une résolution spatiale de 30 m, contre 10 m pour les quatre images issues du capteur Sentinel-2A.
2.5.2. Caractérisation statistique de l’évolution temporelle des paramètres : Plusieurs méthodes statistiques sont envisageables pour représenter l’évolution temporelle des paramètres caractéristiques des eaux marines (moyenne, occurrence, anomalie....). Néanmoins, dans cette étude, nous avons choisi de recourir à la méthode des percentiles car ils permettent d'appréhender l'occurrence des valeurs extrêmes qui peuvent avoir un effet négatif sur la survie et la croissance des espèces. Par exemple, la moyenne calculée sur une longue période peut dissimuler des situations thermiques exceptionnelles qui peuvent nuire à l'activité aquacole. Ainsi, différents percentiles ont été utilisés dans cette étude. Pour les paramètres nécessitant aussi bien un seuil minimal qu’un seuil maximal à respecter, deux percentiles ont été calculés. Le tableau 2 résume les percentiles calculés pour chaque paramètre.
Tableau 2 : Le tableau montre les percentiles calculés pour chaque paramètre.
ParamètrePercentile
TempératureP30 et P70
Chlorophylle-aP10 et P90
TurbiditéP90
Hauteur significative des vaguesP90
2.5.3. Attribution des poids aux paramètres : Il a été jugé nécessaire d’attribuer diverses pondérations aux paramètres car ceux-ci n’ont pas la même influence dans la sélection des zones. Par exemple, il ne suffit pas d’avoir la température optimale si la profondeur de la couche d’eau est trop importante, car ça mettra en danger la stabilité des structures et donc la continuité de l’élevage. De même, l’importance de ces facteurs diffèrent entre la pisciculture et la conchyliculture, notamment en ce qui concerne la concentration en chlorophylle-a, indicateur de la richesse des eaux en phytoplancton, qui, conjugué aux nutriments disponibles en mer, constitue la seule source d’alimentation des bivalves, contrairement aux poissons où une faible présence du phytoplancton ne constitue pas un facteur limitant.
Pour l’affectation des poids, nous avons eu recours à la méthode Analytic Hierarchy Process (AHP). Cette méthode d'aide à la décision, développée par [19] repose sur un découpage du processus de décision en une structure hiérarchique et une comparaison par paire des différents critères [20]. Sa structure pyramidale se compose toujours du sujet de décision au sommet, qui dans notre cas s’agit de la détermination des zones à potentiel aquacole, puis d’un ensemble de critères (biologiques et physico-chimiques), de sous-critères, qui sont les cinq paramètres sur lesquels nous travaillons (Température, Bathymétrie, … ) et tout en bas des différentes alternatives qui dans notre cas sont l’ensemble des pixels de l’image finale, et qui seront soit aptes ou inaptes. Les tableaux 3 et 4 présentent les poids des paramètres obtenus par AHP pour la pisciculture et la conchyliculture respectivement.
Tableau 3 : Le tableau montre les poids des paramètres obtenus par AHP pour la pisciculture.
ParamètrePoids obtenusOrdre de priorité
Température0.2552
Bathymétrie0.511
Chlorophylle-a0.0365
Coefficient d’atténuation diffuse0.1363
Hauteur significative des vagues0.0634
Tableau 4 : Le tableau montre les poids des paramètres obtenus par AHP pour la conchyliculture.
ParamètrePoids obtenusOrdre de priorité
Température0.1324
Bathymétrie0.1612
Chlorophylle a0.5311
Coefficient d’atténuation diffuse0.1353
Hauteur significative des vagues0.0415
2.5.4. Classification des images de paramètres : Afin d’adapter le choix de l’espèce selon les conditions offertes par le milieu, il a été indispensable de déterminer les contraintes exigées par les différentes espèces citées préalablement pour la température et la turbidité, et les exigences des différentes structures d’élevage (cage et filière) en terme de hauteur significative des vagues et de profondeur de la couche d’eau. Ainsi, un tableau récapitulant les seuils de tolérance de chaque espèce étudiée vis-à-vis des paramètres que nous avons utilisés, a été dressé. Les images ont ensuite été classées selon ces seuils, de telle sorte à obtenir des zones aptes (auxquelles nous avons attribué un score de 1) et d’autres inaptes (auxquelles nous avons attribué un score de 0). A titre d’exemple, pour un élevage optimal, le coefficient d’atténuation diffuse Kd représentant la turbidité, doit être inférieur à 0,25 m-1 [21]. Ainsi, la figure 3 présente l’image du P90 de Kd a été classée de telle sorte à éliminer les zones où ce paramètre dépasse 0,25 m-1 (zones en rouge).
Figure 3 : La figure montre l’image du percentile 90 calculé du coefficient d’atténuation diffuse en m-1 (a) et sa classification booléenne (b).
2.5.5. Génération des cartes de potentialités aquacoles : Après avoir réalisé la classification booléenne des images de chaque paramètre, nous avons procédé à leur superposition pondérée, afin de ressortir le score final de chaque pixel et connaître avec précision son niveau d’aptitude à l’élevage aquacole, et ce, à travers l’équation suivante :
S
=
∑
i
n
(
P
i
.
S
i
o
)
S= sum from {i} to {n} {left ({P} rsub {i} . {S} rsub {i} rsup {o} right )}
(1)
Avec,
S : Score final
Pi : Poids de chaque paramètre
Sio : Score initial obtenu pour ce paramètre
N étant le nombre des paramètres
Afin de faciliter la visualisation et l’analyse des résultats, nous avons regroupé les différentes possibilités de score qu’un pixel peut obtenir en quatre classes (tableau 5).
Tableau 5 : Le tableau montre le niveau d’aptitude de chaque zone selon l’intervalle de score obtenu.
ScoreInterpretation
0 à 0,25zone inapte
0,25 à 0,5zone relativement inapte
0,5 à 0,75zone apte
0,75 à 1zone très apte
3. RESULTATS
Les résultats obtenus sont les cartes d’aptitude aquacole pour chacune des espèces étudiées. Le zonage réalisé à l’échelle nationale a montré que le Sud du Maroc offre le plus de zones pouvant être aptes pour accueillir des élevages aquacoles, notamment de la palourde, la moule et l’huître.
En ce qui concerne la cartographie des zones à potentiel aquacole réalisée à l’échelle nationale (Figures 4 et 5), on peut remarquer que la majorité des zones très aptes à l’élevage du loup se situent au Sud du Maroc, à partir de la zone comprise entre Boujdour et Dakhla. Lorsqu’on réalise un zoom sur la région du Nord, on peut voir qu’au niveau de la baie de M’diq nous avons deux pixels qui sont très aptes à l’élevage du loup, ce qui représente une surface de 2 km2, soit 200 hectares. Cette zone peut être validée par rapport à la ferme aquacole de la société Aqua M’diq qui réalise l’élevage du loup sur une concession de sept hectares.
Pour la daurade, les zones très aptes à son élevage se situent en grande partie dans les eaux côtières méridionales depuis le Nord de Dakhla jusqu’à Lagouira. Les zones de type ‘apte’ se trouvent près du littoral de Safi, Boujdour et au niveau de la baie d’Agadir. On remarque également une petite zone apte au niveau d’El Hoceima, à l’Ouest de la lagune de Nador et au niveau de la baie de M’diq. Les deux derniers sites ont déjà abrité l’élevage de la daurade dans les années 80.
Figure 4 : La figure montre les cartes de la répartition des quatre niveaux d’aptitude aquacole pour l’élevage du loup (a), de la daurade (b) et du maigre (c) au niveau du littoral.
Figure 5 : La figure montre les cartes de la répartition des quatre niveaux d’aptitude aquacole pour l’élevage de la moule, l’huître et la coquille Saint-Jacques (a), de l’ormeau (b) et de la palourde (c) au niveau du littoral marocain.
Le zonage réalisé à l’échelle de la région d’Agadir quant-à-lui (figure 6), a montré que la zone est surtout apte à l’élevage du Loup, grâce aux températures présentes dans la majorité de la zone et qui correspondent aux exigences de cette espèce ainsi que l’aptitude de la zone du point de vue profondeur, et également grâce à la faible exigence des poissons en concentration en chlorophylle a, dont les taux obtenus tournent autour de 0,8 à 0,9 mg/m3. Cependant, d’après les résultats obtenus par télédétection, la zone n’offre pas beaucoup de zones aptes et très aptes à l’élevage conchylicole à cause des faibles teneurs en chlorophylle, et qui constitue la principale source d’alimentation des bivalves. Il est donc impératif de réaliser des mesures in-situ sur de longues périodes afin de voir la variabilité réelle de la concentration en chlorophylle-a au niveau de la zone d’étude, et s’il s’avère effectivement que les taux dépassent rarement 1 mg/m3, le potentiel de la zone en termes d’élevage conchylicole doit alors être remis en cause.
Figure 6 : La figure montre les cartes de la répartition des quatre niveaux d’aptitude aquacole pour le loup (a), la daurade (b), le maigre (c), la palourde et l’ormeau (d) et pour la moule, l’huître et la coquille Saint-Jacques (e) au niveau de la région d’Agadir.
4. DISCUSSION
L'analyse des potentialités aquacoles au niveau du littoral marocain et son large a permis de localiser les zones les plus propices pour chacune des espèces dont l’élevage peut réussir dans les eaux marocaines, ainsi que les zones où l’élevage ne risque pas de réussir, soit à cause des contraintes techniques ou des contraintes biologiques. Etant donné que les conditions environnementales d’un site peuvent changer ou varier en fonction de l’espace et du temps et donc imposer une limite sur le type d’aquaculture pouvant être développé ou sur l’espace nécessaire pour son développement, il a été jugé nécessaire d’utiliser des séries temporelles s’étalant de 2002 à 2018 afin d’appréhender la variabilité temporelle de nos paramètres et déceler les zones ayant enregistrées dans leur historique des seuils en dehors des requis de nos espèces. En ce qui concerne les contraintes techniques, les zones où la profondeur est très faible ne permettant pas les échanges avec le milieu naturel pour la dégradation des métabolites et excès d’aliment, ainsi que celles où la profondeur dépasse les cinquante mètres constituant ainsi un risque pour la stabilité des structures, ont été éliminées.
Nous avons également éliminé celles où la hauteur des vagues dépasse un certain seuil rendant l’accès à la zone d’élevage délicat, surtout dans le cas des structures en filières où celles-ci doivent être remontées de temps à autre afin de vérifier leur état et l’évolution de la croissance des bivalves.
Néanmoins, il faut rappeler qu'il s'agit ici d'une approximation des sites qui sont réellement aptes ou inaptes à l’aquaculture et qui reste dépendante des résolutions spatiales des données utilisées comme input par notre modèle, car la résolution spatiale moyenne utilisée et qui est de l’ordre d’un kilomètre fait que chaque pixel qui est déclaré comme apte ou inapte fait une superficie de 100 hectares, alors qu’à l’intérieur même d’une surface de cette ampleur, il peut y avoir des zones qui sont aptes et d’autres inaptes à l’aquaculture.
Quant à la cartographie des potentialités aquacoles de la baie d’Agadir, l’utilisation de l’imagerie satellite à haute résolution spatiale a permis d’obtenir des résultats plus concrets. Ainsi, les zones situées au-delà de sept kilomètres du trait de côte ont été trouvées comme inaptes à tout type d’élevage à cause de la profondeur qui y dépasse les cinquante mètres et constitue un risque pour la stabilité des structures, en plus de la concentration en chlorophylle-a qui s’affaiblit vers le large. De même, les zones localisées dans les premières centaines de mètres de la côte sont inaptes ou relativement inaptes car la profondeur y est inférieure à 10 mètres et les taux de turbidité y sont assez élevés par endroit.
Les outils de programmation nous ont été d’un grand intérêt dans ce travail, car ils nous ont permis de traiter un grand nombre d’images satellitaires, soit un total de 12.600 images sur la période depuis le 1er Juin 2002 jusqu’au 1er Mars 2018 pour la cartographie à l’échelle nationale, et un total de 1812 images sur la période du 12 Mai 2013 jusqu’au 24 Avril 2018 pour la cartographie au niveau de la région d’Agadir. Ils nous ont également permis de réaliser les calculs statistiques sur toute la série temporelle afin de réduire le nombre d’intrants au niveau du SIG.
Afin d’améliorer les résultats, nous recommandons d’intégrer des paramètres supplémentaires pour affiner davantage les zones obtenues, comme par exemple la concentration en oxygène, le degré de pH, la vitesse du courant, etc.
Il serait également judicieux d’intégrer la composante socio-économique, en réalisant une cartographie des plages touristiques, des ports et villages de pêcheurs ainsi que des émissaires de rejets domestiques et industriels, et appliquer des requêtes qui vont filtrer les zones beaucoup trop proches et beaucoup trop loin, ainsi que d’évaluer le coût économique à travers le calcul des distances aux marchés potentiels et aux aéroports afin de localiser les zones qui permettront de réduire le coût lié au transport de l’aliment et des naissains et juvéniles, ainsi qu’une carte routière pour que le site sélectionné comme étant apte soit également accessible par voie terrestre. De même, il serait intéressant de localiser les chenaux de navigation afin de limiter tout conflit avec la navigation maritime, pouvant causer des dégâts mutuels.
Enfin, le besoin d’acquisition en données in-situ est nécessaire pour l’interprétation et la validation des informations obtenues par télédétection, car celles-ci peuvent être biaisées, par la couverture nuageuse présente sur certaines scènes, ou par manque de précision des algorithmes d’extraction de la donnée. Autrement, le recours aux données satellitaires exclusivement, nous aidera uniquement à éliminer les zones inaptes à l’aquaculture mais ne nous permettra pas de sélectionner avec fiabilité les zones aptes à l’élevage aquacole.
5. CONCLUSION
La cartographie et la prospection des nouveaux sites à potentiel aquacole sont très importantes afin d’assurer le plein développement de cette filière. Le recours aux données de télédétection spatiale permet d'obtenir un certain nombre de paramètres pour évaluer ces potentialités aquacoles sur de vastes étendues, d’autant plus que ces données sont disponibles sous forme de séries temporelles couvrant de longues périodes. Ces types de données nous ont bien aidés à mieux appréhender la variabilité spatio-temporelle des paramètres et d’anticiper leur évolution, permettant d’éviter par exemple les zones où les seuils requis par l’espèce à élever ou le type de structure d’élevage ne sont pas satisfaits.
L’outil d’aide à la décision mis au point nous a permis l’analyse spatiale des couches d’informations établies afin de ressortir les sites potentiels pour l’aquaculture de chacune des espèces de notre étude. L’interactivité du modèle réalisé à l’aide des fonctionnalités du SIG fait que les couches d’informations qui constituent les intrants peuvent facilement être modifiées, remplacées par de nouvelles sources d’informations de meilleure résolution et mises-à-jour avec des données supplémentaires concernant par exemple les années à venir. De plus, ce modèle réalisé peut même accueillir de nouveaux paramètres, à titre d’exemple la vitesse du courant, dont les données n’ont pas pu être utilisées faute de résolution spatiale, ou d’autres paramètres comme l’oxygène dissous, le pH, la concentration en nitrates et nitrites, la nature du fond, etc., que nous n’avons pas intégré faute d’accès aux données.
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