American Journal of Innovative Research and Applied Sciences. ISSN 2429-5396 I www.american-jiras.com
ORIGINAL ARTICLE
PERCEPTIONS DE LA SUPERVISION PÉDAGOGIQUE PAR LES ENSEIGNANTS D'ÉDUCATION PHYSIQUE DANS LES LYCÉES DE BRAZZAVILLE (CONGO)
PERCEPTIONS OF PEDAGOGICAL SUPERVISION BY PHYSICAL EDUCATION AND SPORTS TEACHERS IN HIGH SCHOOLS IN BRAZZAVILLE (CONGO)
| TIRA Juslain Joël *| LEMBE Gorgon | LEPEBE Brice | M’VIRI Hubert César | and | MANDOUMOU Paulin |
Laboratoire de Didactique de l’EPS | Institut Supérieur d’Education Physique et Sportive | Université Marien NGOUABI | Brazzaville | Congo |
| Received February 24, 2023 | | Accepted March 01, 2023 | | Published March 11, 2023 | | ID Article | Juslain–Ref2-16ajiras240223|
RESUME
Objectif : Le but de cette étude transversale était d’identifier et analyser les perceptions des activités de supervision pédagogique chez les enseignants et superviseurs en éducation physique en milieu noir africain. Méthode : Un questionnaire a été administré auprès de 48 enseignants évoluant dans les lycées publics de la ville de Brazzaville (Congo) et 16 superviseurs. Il s’agissait non seulement de recueillir les opinions des enseignants et superviseurs sur leur perception de la supervision pédagogique, mais également de préciser le comportement du superviseur pendant les visites pédagogiques. Les sujets interrogés devraient expliciter leurs opinions clairement sur les items proposés. Résultats : 76,6% des enquêtés avaient une perception négative de la supervision pédagogique, contre 23,4% de perception positive. Plus de la moitié des enquêtés (54,7%) affirmaient que la supervision pédagogique avait un impact positif sur la préparation des leçons. Les états émotionnels négatifs étaient davantage retrouvés chez les enseignants. Il s’agissait par ordre d’importance : rétractation, 83,3% ; découragement, 72,7% ; insatisfaction, 71,4% ; inquiétude, 70%. Les attitudes des superviseurs pédagogiques étaient diversement appréciées. Conclusion : Il s’avère donc urgent que de nouvelles stratégies soient utilisées pour faire accepter la supervision pédagogique à tous les enseignants d’EP dans l’enseignement secondaire au Congo-Brazzaville.
Mots clés : perception, Education physique et sportive, supervision pédagogique, enseignement-apprentissage
ABSTRACT
Objective: The purpose of this cross-sectional study was to identify and analyze the perceptions of pedagogical supervision activities among physical education teachers and supervisors in Black Africa. Methods: A questionnaire was administered to 48 teachers in public high schools in the city of Brazzaville (Congo) and 16 supervisors. The aim was not only to collect the opinions of teachers and supervisors on their perception of pedagogical supervision, but also to specify the behavior of the supervisor during pedagogical visits. The interviewed subjects should clearly state their opinions on the proposed items. Results: 76.6% of the respondents had a negative perception of pedagogical supervision, while 23.4% had a positive perception. More than half of the respondents (54.7%) said that pedagogical supervision had a positive impact on lesson preparation. Negative emotional states were more common among teachers. These were, in order of importance: withdrawal, 83.3%; discouragement, 72.7%; dissatisfaction, 71.4%; and worry, 70%. The attitudes of the pedagogical supervisors were variously appreciated. Conclusion: It is therefore urgent that new strategies be used to make all PE teachers in secondary education in Congo-Brazzaville accept pedagogical supervision.
Key words: perception, physical education and sports, pedagogical supervision, teaching-learning
1. INTRODUCTION
Le système d’éducation scolaire est un "tout". Il comprend : les élèves, le personnel enseignant et non enseignant, les salles de classe, la bibliothèque, l’administration centrale, les services extérieurs, etc. Chaque élément constituant ce système doit être évalué pour une amélioration efficace de l’ensemble du système [1]. Cette amélioration passe par la valeur et la qualité des leçons enseignées aux élèves et celle des compétences des enseignants. C’est le cas par exemple en Education Physique et Sportive (EPS) où les enseignants suivent une formation pour enseigner les élèves conformément aux curricula. Du point de vue de sa profession, l’enseignant d’EPS dispose des compétences pédagogiques. Ils devraient élaborer des stratégies d’enseignement, trouver des situations pédagogiques spécifiques à l’activité physique et sportive (APS) à enseigner afin de favoriser de nouveaux modes de relation [2]. En revanche, il se pose les questions suivantes : quelle stratégie appliquer pour que l'apprentissage ait lieu? Comment faire pour atteindre l’objectif générale de la leçon ? Dans ce contexte, pour améliorer l’acte pédagogique les enseignants devraient être évalués par les superviseurs suivant l’opération assistance-inspection [3]. Il s’agit de l’intervention pédagogique ou de la supervision pédagogique. Elle désigne un acte d’encadrement, d’orientation et de contre préalable [4]. La supervision renvoie à trois aspects [5] : l'aspect administratif, l’aspect social et l’aspect politique. Le premier aspect fait appel à toutes les opérations qui précèdent la supervision. Il se caractérise par la mise en œuvre de certaines tâches d’ordre administratif. Le second aspect permet d'établir une relation permanente entre l’enseignant et le superviseur. Cette relation de cooperation assignée à ses deux acteurs permet la compréhension mutuelle et le respect de la personne humaine qui caractérise l’acte social. Enfin, le troisième aspect est lié aux grandes décisions et orientations politiques en matière d’éducation en général. C’est la politique qui oriente les traits des caractères idéals de l’homme à former ; et par conséquent disposer des moyens (méthodes et programmes) pour leur réussite. C’est pourquoi le superviseur doit garantir l'application de la politique définie par la nation [6]. Or de la recension des écrits la supervision pédagogique se déroule dans tous les milieux scolaires et universitaires. C'est ainsi que les établissements scolaires qui sont des unités dans lesquelles l’acte de la supervision trouve sa pertinence, justifient la place et le rôle du personnel d'encadrement dans le suivi, le contrôle et l'évaluation. La supervision pédagogique intéresse toutes les disciplines d'enseignement. Elle consiste à observer le travail de l'enseignant, contrôler ses documents pédagogiques, l'encadrer, l'aider et organiser à la fin de la leçon un entretien relatif aux observations faites. Au regard de ce qui précède, nous pouvons souligner que la supervision pédagogique a un double objectif : premièrement permettre aux superviseurs de déceler les déficiences pédagogiques des enseignants et y remédier, évaluer leurs taches éducatives, deuxièmement, favoriser l'auto-évaluation chez l'enseignant. Les interactions entre les actes d'enseigner et d'apprendre doivent être au cœur des préoccupations du superviseur compte tenu de son rôle d'évaluateur et de conseiller [2]. Toutefois, plusieurs interrogations et inquiétudes s'observent en supervision sur le plan pratique, suite à l'incohérence et l'absence de l'harmonie entre ce que veut le superviseur et ce qu'attend le superviser (enseignant). Au Congo (Brazzaville) par exemple, l'approche déductive en supervision pédagogique visant à descendre sur le terrain pour les visites pédagogiques (formatives et normatives) dans la discipline d'enseignement EPS, est loin de faire l'unanimité sur les attentes pédagogiques entre pédagogues. Le superviseur vient parfois en visite pédagogique avec des théories inadaptées aux réalités pédagogiques du terrain et l’enseignant n’accepte plus sa présence. Ainsi chaque acteur a une perception de l'autre et donc, une image négative ou positive de la supervision pédagogique. C'est dans ce sens que s'inscrit le présent article. Plusieurs études ont été réalisées sur la supervision pédagogique en milieu scolaire [7, 8]. Celles-ci ont pour la plupart concerné les programmes d'enseignement [9], les langues étrangères insérées dans les systèmes éducatifs [10], les laboratoires des sciences expérimentales et exactes (8). Cependant, celles liées en Education Physique et Sportive (EPS) sont à notre connaissance inexistantes, Les objectifs de cette étude sont : 1) de montrer que la majorité d'enseignants d'EPS du lycée a peur des superviseurs lors des visites pédagogiques ; 2) de vérifier le travail pédagogique réellement effectué par les superviseurs lors de "l'entretien" avec les enseignants. Les interrogations qui découlent de cette étude sont de plusieurs ordres : Comment l'enseignant d'EPS perçoit-il la supervision pédagogique ? Est-ce que l'enseignant prépare régulièrement sa leçon ? Quel est l'état émotionnel de l'enseignant avant la supervision pédagogique ? Quelles sont les attitudes pédagogiques des superviseurs lors des visites pédagogiques ? Toutes ces questions permettront d'étudier la perception de la supervision pédagogique en EPS. On peut envisager l’hypothèse suivante : au lycée, les enseignants d'EPS auraient une perception négative de la supervision pédagogique à cause des pratiques inappropriées des superviseurs. L’intérêt de cette étude est d'une part, de permettre à l'enseignant d'orienter correctement son enseignement, d'améliorer ces connaissances théoriques et pratiques, de s'auto-évaluer ; d'autre part, de favoriser le superviseur à construire ses relations professionnelles, de s'assurer des compétences des enseignants, de les aider à bien organiser leurs leçons, d'évaluer et d'informer la hiérarchie sur les réalités du terrain.
2. METHODOLOGIE
2.1. Echantillonnage
La population cible était composée des enseignants (n = 150) et des superviseurs (n=67) d'Education Physique et Sportive en service dans les collèges, lycées et dans les administrations du Ministère des Sports et de l’Education Physique de Brazzaville. Les critères d'inclusion étaient : être professeur certifié d’EP, être superviseur actif et régulier au lycée durant la période d'étude, avoir une expérience professionnelle de plus de 6 ans au moment de l'enquête. Les critères d’exclusion étaient : professeur adjoint d’EP (Baccalauréat +4) et régulier au collège, être superviseur d’EP inactif (administrateur). A l’issue de cette procédure de recrutement, les enseignants et les superviseurs d'EP ont été sélectionnés pour constituer l'échantillon. Celui-ci comprenait 71 sujets dont 52 enseignants et 19 superviseurs (Tableau 1). Leur âge était compris entre 29 et 56 ans (moyennes : 36,5±8,8 pour les enseignants ; 49,7±2,9 pour les superviseurs).
2.2. Procédure de l’enquête
Il s'agit d’une étude transversale qui s'est déroulée dans tous les lycées publics d'enseignement général et technique de Brazzaville (Congo) du 1er Février 2022 au 31 Mai 2022. Elle a reçu l'accord de la direction générale des sports et de l'Education Physique, chargée de la recherche scientifique en Education Physique et Sportive et de la direction départementale de l'EP de Brazzaville. Cette étude s’est réalisée en deux phases. La première a été la pré-enquête, qui a été implémentée le 22 février 2022 auprès de 8 étudiants de la 4ème année de professorat de l’Institut Supérieur d'Education Physique et Sportive. Elle a permis de tester la fiabilité, la fidélité, l'homogénéité et la validité du questionnaire utilisé dans l'étude. La seconde était l’enquête proprement dite, qui avait consisté à suivre les leçons d’EP enseignées et la supervision pédagogique réalisée. Elle a été effectuée du 1er Mars 2011 au 15 Mai 2011. A chaque leçon d'EP, la supervision pédagogique était assurée. Les leçons étaient dispensées par les professeurs certifiés d'EPS taus les jours en matinée a raison de deux (2) heures hebdomadaires par classe. Cet enseignement était réalisé selon les exigences de la méthode sportive. Les activités physiques et sportives enseignées (Gymnastique, Triple saut, Lancer de poids, Vitesse) étaient celles retenues par les instructions officielles (2002) de l'enseignement de l'EPS au Congo.
2.3. Instrument de collecte des données
Le questionnaire a été l’unique technique de collecte des données. Il comportait à la fois des questions fermées et des questions ouvertes. Ces questions étaient destinées à recueillir différentes informations sur la perception de la supervision pédagogique chez les enseignants. Le questionnaire visait aussi à préciser le comportement du superviseur pendant les visites pédagogiques. Les sujets interrogés devraient expliciter leurs opinions clairement sur les items proposés. Ce questionnaire a été distribué du 20 au 24 avril 2022 à chacun des 52 enseignants et 19 superviseurs sélectionnés. Cependant, pour des raisons diverses (non réponses à certains items et non-retour des questionnaires) seuls 64 questionnaires ont été validés et répartis comme suit : 48 questionnaires pour les enseignants et 16 pour les superviseurs soit une perte de 9,8%. La collecte et le dépouillement des données étaient effectués du 1er au 30 Mai 2022.
2.4. Analyse statistique
La saisie des données a été effectuée avec le logiciel Epi-data, version 3.0. La base des données constituée a été nettoyée sur une page Excel (logiciel GLI-2012) et analysée sur la base des logiciel SPSS, version 23.0 et PASW Statistic 18.0. Les variables catégorielles ont été présentées sous forme de tableaux de fréquences et de pourcentages. Le test t de Student a permis de cerner la significativité des différences entre deux moyennes, le test de Sokal pour la comparaison de deux pourcentages
3. RESULTATS
Le tableau 1 présente l’ensemble des caractéristiques professionnelles des sujets de l’échantillon.
Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques des sujets
CaractéristiquesEnseignantsn=52Superviseursn=19
Sexe féminin n (%)9 (17,3)3 (33,3)
Age (an) moy ± ET36,5 ±8,849,7 ±2,9*
Expérience professionnelle
6-9 ans 32(61,5)13(68,4)
>9 ans20(38,5)6(31,6)
Nature des sujets n(%)
Actifs 49(94,2)14(73,7)
Inactifs 3(5,8)2(26,3)
Moy : moyenne ; ET : écart-type ; * : p<0,05.
Parmi les enseignants, les hommes étaient plus représentés, 82,7% (n=43), observation étant également retrouvée chez les superviseurs, 84,2% (n=16). Concernant les âges des enquêtés, les enseignants étaient moins âgés que les superviseurs, la différence étant significative (p<0,05). Quant à l’expérience professionnelle, les superviseurs qui totalisaient un nombre d’années compris entre 6-9 ans étaient plus nombreux que les enseignants : 61,5% versus 68,4%. De même, pour ceux dont le nombre d’années dépassaient 9 ans les superviseurs étaient également plus retrouvés par rapport aux enseignants. Par ailleurs, 94,2% des enseignants étaient en plein exercice de leur métier (actifs), contre 73,7% des superviseurs. Par contre, 5,8% des enseignants et 26,3% des superviseurs travaillaient dans l’administration.
Le tableau 2 présente la distribution des réponses des enquêtés par rapport à leur perception de la supervision pédagogique dans les lycées pour chacun des items proposes dans le questionnaire.
Tableau 2 : Perceptions de la supervision pédagogique en EP.
EnseignantsSuperviseursTotal
n%n%n%
Positive1173,3**426,71523,4
Négative 3775,5**1224,54976,6a
Total 4875162564100
**: différence significative à p<0,01 entre enseignants et superviseurs; a: différence significative à p<0:01 entre réponses positives et négatives
Au total, 76,6% des enquêtés avaient une perception négative de la supervision pédagogique, contre 23,4% de perception positive, l’écart des pourcentages des pourcentages étant significative (p<0,01).
Le tableau 3indique la distribution des enquêtés selon les réponses sur l’influence de la supervision dans la préparation des leçons d’EP chez les enseignants.
Tableau 3 : Attitudes des enquêtés par rapport à l’influence de la supervision pédagogique dans la préparation des leçons d’EP.
EnseignantsSuperviseursTotal
n%n%n%
OUI2982,8**617,23554,7
NON1965,5*134,52945,3
Total4875162564100
**: différence significative à p<0,01 ; *: différence significative à p<0,05.
Il apparait dans ce tableau que plus de la moitié des enquêtés (54,7%) affirmaient que la supervision pédagogique avait un impact positif sur la préparation des leçons ; cependant, il s’agissait davantage des enseignants, 82,8% contre 17,2% des superviseurs. Le constat était le même pour ceux qui émettait un avis contraire (45,3%).
S’agissant de l’influence de l’état émotionnel de l’enseignant avant la supervision pédagogique, les réponses émises par les enquêtés sont consignées dans le tableau 4.
Tableau 4 : Distribution des enquêtes selon l’état émotionnel retrouvé chez les enseignants.
EnseignantsSuperviseursTotal
n%n%n%
Mécontent 1071,4**428,61421,9
Content 466,7233,369,4
Rétracté 583,3*116,769,4
Inquiet 770*3301015,6
Motivé 675*225812,6
Fiévreux 41000046,3
Découragé 872,7*327,31117,2
Courageux 266,6133,334,7
S’estimer heureux21000023,1
**: différence significative à p<0,01 ; *: différence significative à p<0,05.
Les états émotionnels négatifs étaient davantage retrouvés chez les enseignants. Il s’agissait par ordre d’importance : rétractation, 83,3% ; découragement, 72,7% ; insatisfaction, 71,4% ; inquiétude, 70%. Les attitudes positives notées chez les enseignants avant la supervision étaient : la motivation, 75% ; la satisfaction, 66,7% ; le courage, 66,6%. Parc contre, les superviseurs évoquaient : la satisfaction et le courage, 33,3% des citations ; l’inquiétude, 30% ; l’insatisfaction, 28,6 ; le découragement, 27,3% ; la motivation, 25% ; la rétractation, 16,7%.
En ce qui concerne les attitudes pédagogiques des superviseurs pendant les leçons, les réponses des enquêtés sont indiquées dans le tableau 5.
Tableau 5 : Opinions sur les attitudes des superviseurs dans la classe
EnseignantsSuperviseursTotal
n%n%n%
Attentif 583,3*116,769,4
Discipline 480*12057,8
Calme 21000023,1
Tolérant 583,3*116,769,4
Gentil 25025046,3
Coopératif 31000034,7
Méchant 1071,4*428,61421,9
Rigoureux 763,6436,41117,2
Respectueux 51000057,8
Indiscipline 562,5337,5812,5
* : différence significative à p<0,05.
Les attitudes des superviseurs pédagogiques étaient diversement appréciées. En ce qui concerne les enseignants, il a été évoqué le calme et le respect dans 100% des citations, l’attention et la tolérance dans 83,3% des citations, la discipline (80%), la méchanceté (71,4%), la rigueur (63,6%), l’indiscipline (62,5%) et la gentillesse (50%). Par contre, les superviseurs ont évoqué : la gentillesse (50%), l’indiscipline (37,5%), la rigueur (36,4%), la méchanceté (28,6%), la discipline (20%), la tolérance et l’attention (16,7%). De façon globale, les attitudes qui ont émergé étaient la méchanceté (21,1%), la rigueur (17,2%) et l’indiscipline (12,5%).
4. DISCUSSION
Nos résultats montrent que 76,5% des enseignants congolais d’EP au lycée ont une perception négative de la supervision pédagogique (Tableau 2). Tandis que, 23,5% des sujets de l'échantillon affirment le contraire. L’écart des deux pourcentages est de 43%, ts=0,176, la différence est significative (p<0,05). Ce constat peut s'expliquer par l’ensemble des difficultés pédagogiques favorables à l'enseignant, des comportements inappropriés du superviseur et par une incompatibilité d'humeurs individuelles. En effet, la supervision pédagogique ou l’opération assistance- inspection donne la possibilité au superviseur d'encadrer, d'orienter, de conseiller et d’aider l’enseignant à atteindre les objectifs spécifiques visés dans son enseignement [12]. Il y a donc apprentissage ; comme le souligne Gagne (1976) [13], l’apprentissage est un processus se déroulant en 3 phases consécutives : la motivation, l'acquisition et la performance. La motivation permet à l’enseignant de se représenter ce que l'apprentissage (les compétences obtenues pour enseigner l’EP) lui permettra de réaliser. L’acquisition de nouvelles capacités repose sur le rappel des capacités antérieures et de la modification de ces capacités pour en former de nouvelles. La performance permet à l'individu de vérifier s’il y a effectivement acquisition de nouvelles capacités. Dans cette optique, les feed-back correctifs du superviseur fournis a l’enseignant lui permettent de juger jusqu'a quel point il est parvenu à acquérir les capacités désirées et de se corriger s'il y a lieu. Comme le suggèrent Flores et Day (2006) [14], nous pouvons confirmer que l’ensemble des difficultés pédagogiques favorables à l’enseignant tout comme les comportements inappropriés du superviseur en intervention peuvent permettre de repousser un individu et donc refuser la supervision pédagogique. Concernant l'incompatibilité d’humeurs individuelles, il a été démontré que "celui qu’on n’estime pas est toujours repoussé, toujours exercé par ses pairs" [3] ; contrairement au proverbe Français qui dit, "qui châtie aime". Il est donc évident que l'enseignant qui n’estime pas un superviseur, souhaite ne pas être supervise. Ce constat corrobore quelques scores obtenus dans l’étude (Tableau 4) respectivement chez les enseignants et les superviseurs. S'agissant des enseignants, 20,83% sont mécontents de la supervision ; 16,7% découragés ; 14,6% inquiets ; 10,4% rétractés et 8,3% des enseignants sont fiévreux. Aussi, 12,5% d'enseignants sont motivés ; 8,33% contents ; 4,2% courageux et 4,2% d'enseignants s'estiment heureux. Nous distinguons ainsi deux types d'enseignants dans l'échantillon : le type favorable à la supervision (positivité) et ceux qui la refusent (négativité). Au niveau des superviseurs 25% sont mécontents de la supervision ; 18,75% inquiets ; 18,75% découragés: 6,25% rétractés : 12,5% contents ; 12,5% motives et6,25% des superviseurs sont courageux. De même, un autre type de superviseurs est observé dans l'enquête : ceux qui pensent que pour des raisons inconnues l’intervention est une mauvaise chose.
Est-ce que ce sont les pratiques des enseignants en EPS ou l’incompétence des superviseurs eux-mêmes qui permettent d'affirmer que la supervision est mauvaise ? Une autre étude pourrait être réalisée pour s’enquérir la réalité. D’autres enquêtes considèrent que l’intervention est une bonne chose. Ce dernier type de superviseur prône un bénéfice de la supervision pédagogique chez l'enseignant et chez le superviseur dans le contexte de l'apprentissage. Par ailleurs, a la fin de chaque leçon d'EP dispensée, le superviseur et l'enseignant se retrouvent pour un entretien afin de corriger les déficiences observées dans la séance. De plus, un feed-back correctif est effectué par le superviseur. Ce feed-back a peut-être confirmé la préparation régulière des leçons d'EP constatées chez nos enseignants (Tableau 3). En effet, 54,7% des enquêtés indiquent que les enseignants préparent régulièrement leurs leçons, contre 45,3% qui pensent l’inverse. L’écart entre les deux pourcentages est de 9,4% (p<0,05). Ce même constat est identique aux résultats de Batornene (op.cit.) précise qu’à l’école primaire, les enseignants en EP préparent régulièrement leur cours, écoutent et appliquent correctement les conseils du superviseur. Il a été démontré par English et Kinzer (1966) [15], More (1969) [16], Sturges (1972) [17] ; Prather et Berry (1973) [18] que les enseignants qui reçoivent les feed-back correctifs immédiatement après avoir dispensé une leçon retiennent moins bien que les enseignants qui les connaissent après une période de temps plus ou moins longue appelée délai de renforcement. A en croire les superviseurs, lors de chaque entretien, ils rappellent avec insistance et immédiatement aux enseignants d'EPS de toujours préparer la leçon avant la séance proprement dite. En outre, toutes les taches impliquent des feed-back correctifs (FBC) qui viennent de l’accomplissement même de la tâche. Selon Schmidt (1982) [19], les FBC sont des informations inhérentes à l’exécution normale d'une tache. Certains auteurs, considèrent ces FBC comme intrinsèques [20, 19]. L’individu peut alors trouver lui-même les FBC correctifs appropries pour obtenir par la suite de meilleurs résultats. C’est le cas où l'enseignant corrige sa faute lui-même sans intervention du superviseur. Dans notre recherche, la supervision pédagogique est étudiée dans son contexte nature dans le but de jeter de la lumière sur les évènements qui entourent l’établissement de la coopération entre le superviseur et l'enseignant. Cette coopération s'établit lors des interactions qui portent sur la négociation explicite ou implicite des exigences de la supervision. Cette notion de coopération trouve sa source dans les travaux où le processus d'assistance inspection est qualifié "d’échange de performance pour des crédits" [21] et de "prix à payer pour obtenir des notes" [22]. Cette idée est complétée par Striker et al. (2016) [23], lorsqu’il indique que la tâche du superviseur est avant tout, d'observer les réalisations de l'enseignant, de corriger les déficiences constatées et de trouver des stratégies visant à obtenir et à maintenir la coopération des enseignants en supervision. Il s'agit d'évaluer la tache de l'enseignant sans compromettre à la coopération. Selon Provencher (1985) [24], la coopération entre superviseur et enseignant est axée sur deux règles : "Savoir-faire" et "Savoir-être". Les savoir-faire concernent essentiellement la production de rapports des activités dont le contenu et les critères d’évaluation sont décrits dans l’objectif spécifique de l’APS. Le contenu de ces rapports permet de déterminer jusqu’à quel point un enseignant a atteint les objectifs visés dans le cours. Tandis que les règles aux "savoir-être" sont la façon dont les enseignants exécutent les taches décrites dans les APS ainsi que les comportements qu'ils adoptent lors de l'assistance-inspection [24]. En effet, le superviseur doit évaluer et rendre compte à la hiérarchie de la tache réalisée par l'enseignant. Celui-ci doit aussi maintenir la coopération et toujours garder les meilleurs rapports professionnels. Enfin, s'agissant des attitudes pédagogiques des superviseurs lors des visites pédagogiques, les résultats de l'étude (Tableau 5) révèlent que 21,9% des sujets interrogés pensent que les superviseurs sont méchants pendant la supervision pédagogique, 17,2% sont rigoureux, 12,5% sont indisciplinés, 9,4% sont attentifs et 9,4% des superviseurs sont tolérants. Les écarts entre les pourcentages sont compris entre 1,2% et 8,8% et que le ts=0,078 la différence est significative (P<0,05). Ces constatations peuvent s'expliquer sans nul doute par les comportements inappropriés des superviseurs comme annonce ci-dessus. Un superviseur méchant, non coopérant ne peut s'attendre à être accepté dans le milieu professionnel. Sur le plan éducationnel, tout superviseur a non seulement intérêt d'améliorer les comportements psycho-affectifs et pédagogiques lors des visites pédagogiques en milieu scolaire, mais aussi d'aménager les habitudes vicariantes pour être accepté par ses paires dans la société.
Cependant, nos observations doivent tenir compte de quelques limites. En effet, dans cette étude le questionnaire a été utilisé pour apprécier la perception de la supervision pédagogique par les enseignants d'EPS. Il comprenait les items de type fermé et ouvert. Cependant, il est démontré par Festinger et al., (1959) [25] que l'observation du terrain (field study) appuyée par une grille d'appréciation fiable est plus appropriée. Toutefois les écarts en objectivité relevés entre les deux instruments (questionnaire et observation du terrain) sont minimes [26]. Par ailleurs, il aurait fallu observer minutieusement les attitudes pédagogiques des enseignants d'EPS avant, pendant et après la leçon sous la vigilance du superviseur pédagogique. Ceci dans le but de découvrir les dimensions de la perception des enseignants en supervision.
Comme le souligne Festinger et al., [25], l’observation du terrain qui est exploratoire, consiste en un examen approfondi du processus. De plus, elle permet de comprendre et d'analyser les interactions entre superviseur et enseignant d’EPS lors de l’entretien. Cette procédure devrait permettre d'éviter des réponses plus subjectives des enquêtés.
Les résultats de l’observation du terrain devraient être confrontés à ceux du questionnaire pour déterminer l'objectivité réelle de la question. En effet, selon Kelley (1929) cite par Albuquerque et al., (2012) [26], le questionnaire est le fantasque enfant de la science si faible soit-il, restera un auxiliaire indispensable". En raison d'une part, du temps prévu pour mener cette étude dans le délai dans notre laboratoire et de la nature du travail (enquête du terrain), d'autre part cette procédure n’a pu être adoptée. Nonobstant ces limites, ceci ne devrait pas réduire l'intérêt des données présentées.
5. CONCLUSION
Les résultats de notre étude montrent que dans les lycées, les enseignants (professeurs certifiés) bien qu’ils préparent régulièrement les cours d’EP représentent 54,7% mais ils ont une perception négative (76,5%) de la supervision pédagogique en EP. Cette négativité est justifiée par les pratiques inappropriées du superviseur lors de l’intervention. Celui-ci intervient sans éthique professionnelle. La supervision pédagogique est un moyen mis en évidence par les autorités pour contrôler et évaluer les curricula, les ressources humaines afin d’améliorer l’ensemble du système éducatif. Elle est aussi un acte d'apprentissage entre superviseur et enseignant, qui devraient surtout être bénéfique pédagogiquement pour l’enseignant. De plus, la supervision pédagogique nécessite sur le plan pratique une coopération mutuelle entre pédagogues pour un développement harmonieux et favorable des interactions. Nos résultats de l’étude ont également révélé que 25% des superviseurs sont mécontents de la supervision centre seulement 12,5% qui sont contents. Ce résultat confirme que certains superviseurs ne savent pas l'importance et le but de la supervision pédagogique. Comment les autorités congolaises peuvent-ils faire pour améliorer l’enseignement de l’EP dans les lycées de Brazzaville (Congo) dès lors que les superviseurs et les enseignants ont des comportements variables sur la perception de la supervision pédagogique ? Il s’avère donc urgent que de nouvelles stratégies soient utilisées pour faire accepter la supervision pédagogique à tous les enseignants d’EP au lycée.
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